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Le nu féminin dans l'art
La représentation du nu féminin au XIXème siècle : entre érotisme, onirisme et réalisme.

Ingres, La Petite-Baigneuse - Intérieur de harem, 1828, huile sur toile, 35x27cm, Paris, Musée du Louvre.
© RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
Au cours du XIXème siècle le nu féminin est représenté à travers le thème de la toilette. Les pratiques d'hygiène comme le bain se développent. Même si ces bains concernent une minorité des couches sociales les plus aisés de la population, la prise de conscience de leur importance pour la santé publique se fait lentement (SUMPF : "Ingres et les bains : l'hygiène exotique"). Le peintre français Ingres (1780-1867) représente plusieurs fois ce thème : La Grande Baigneuse de 1808 représentée nue et de dos dans une ambiance de hammam et de harem. Puis, l'artiste décline le thème dans La Petite Baigneuse - Intérieur de harem de 1828 et enfin Le Bain turc réalisé trente années plus tard en 1862. Ces réalisations s'inscrivent dans le courant orientaliste du XIXème siècle. D'après l'historien français Alexandre Sumpf, ces réalisations évoquant la pratique du bain et le harem "permettent aussi une approche originale de la question du rapport au corps, à la nudité, à la santé et à l'hygiène durant cette période."
L'historien précise "qu'à travers sa recherche esthétique sur la nudité féminine, il [Ingres] se démarque du modèle académique, en préférant au motif antique une référence orientale et plus précisément ottomane".
Le thème du bain suggère des corps nus qui tout en ayant une dimension érotique, sont ici associés à une pratique saine et propre. Dans La Petite-Baigneuse - Intérieur de harem, l'espace du bain est comme aseptisé, immaculé, et l'eau et totalement pure. Le tableau du Déjeuner sur l'herbe du peintre français Manet (1832-1883) qui représente une femme en arrière-plan qui se baigne scandalise à l'époque. En effet, le nu féminin représenté en extérieur, dans la nature, qui lie le corps et la nature dégage une certaine énergie animale et pulsionnelle mal définie et illimitée. Ingres avec La Petit-Baigneuse représente dans un espace clos et protégé des femmes où les soins prodigués déculpabilisent la nudité et le plaisir du bain, précise Alexandre Sumpf. Ces soins apportent une vision noble qui change la perception puritaine de la nudité.

Edouard Manet, Le déjeuner sur l'herbe, 1863, huile sur toile, 208x264.5cm, Paris, Musée d'Orsay.
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Théodore Chassériau, La Toilette d'Esther, 1841, huile sur toile, 45x35cm, Paris, Musée du Louvre.
© RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
Les références orientales dans les représentations du nu féminin se retrouve dans La Toilette d'Esther du peintre français Théodore Chassériau (1819-1856). Ici le peintre dépeint une représentation héroïsée du nu féminin en s'intéressant au livre d'Esther, un récit biblique. Le peintre représente Esther dans un érotisme onirique et orientalisant. On retrouve la scène de harem, comme chez son maître Ingres, avec les deux servantes qui entourent Esther. Les libertés prises avec l'anatomie avec l'élongation du cou et des bras rappellent l'esthétique de la Renaissance (MERLE DU BOURG : "La toilette d'Esther"). Le nu féminin est ici synonyme d'onirisme et d'exaltation de l'orientalisme qui fait fantasmer les hommes du XIXème siècle. Le tout mêlé à l'érotisme d'une femme héroïsée.
Enfin, vers la fin du XIXème siècle les maisons closes apparaissent. Elles sont des sources d'inspiration abondantes pour les artistes du XIXème siècle. La maison close est associée à l'univers du spectacle, du cabaret, un endroit où les femmes se livrent à une représentation sexuée. Cependant, certains artistes comme Henri Toulouse-Lautrec (1864-1901) donne un visage à ces prostituées de son temps. Il l'est peint comme des femmes ordinaires accaparées dans leur activité quotidienne. C'est une dimension psychologique et humaine plus que sexuelle sur laquelle Henri Toulouse Lautrec s'appuie pour représenter ces femmes (AUTHIER : "les maisons closes"). Il laisse de côté le caractère érotique de ces femmes pour décrire l'attente, le repos et les tâches.

Henri Toulouse-Lautrec, Nue devant un miroir, 1897, huile sur carton, 62.2x47cm, New York, Metropolitan Museum of Art.
© 2000-2021 The Metropolitan Museum of Art

Edouard Manet, Olympia, 1863, huile sur toile, 130.5x190cm, Paris, Musée d'Orsay.
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Toulouse-Lautrec n'est pas le seul artiste qui représente la réalité des prostituées. En effet, la représentation de Manet dans son Olympia de 1863 est également réaliste, s'inspirant de la représentation des prostituées de l'époque. Olympia étant un surnom courant chez les courtisanes de l'époque, précise l'auteur chargé de travaux dirigés à l'Ecole du Louvre et conférencière Nadine Fattouh-Malvaud. Le traitement du corps non académique ainsi que le traitement du sujet choquent et provoquent au XIXème siècle. En effet, le thème de la prostituée n'est pas traité "sous un couvert mythologique, allégorique ou symbolique, Manet peint le portrait d'une prostituée mise en scène comme telle" (FATTOUH-MALVAUD : "Le scandale de la réalité"). Il n'y a aucune idéalisation du sujet de la part de Manet. Nadine Fattouh-Malvaud précise que : "la démarche de Manet était dictée par la sincérité".
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Pour se défendre, Manet dira : "J'ai fait ce que j'ai vu".
Pour Nadine Fattouh-Malvaud Olympia est :
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"une œuvre de rupture. C'est le jalon d'une tradition qui remonte à la Renaissance italienne. Elle ouvre la voie à la modernité, aux images d'une réalité contemporaine non idéalisée et elle inaugure, de Degas à Lautrec / le thème artistique et littéraire de la prostituée vue sous l'angle du réalisme."
La représentation du nu féminin au XIXème siècle passe par une représentation onirique et érotique mêlée à une représentation fantasmée de l'Orient. Puis, vers la fin du siècle la représentation de la femme et du nu féminin se veut réaliste représentant les prostituées de l'époque. Cette véracité des représentations du nu féminin ouvre la voie à la modernité.
Sources :
- Histoire par l'image, Page portail "Le nu", In Histoire par l'image, [en ligne], https://histoire-image.org/fr/albums/nu, Consulté le 6 février 2021.
- AUTHIER, Catherine, "Les maisons closes", In Histoire par l'image, [en ligne], mis en ligne en janvier 2016, http://histoire-image.org/fr/etudes/maisons-closes, Consulté le 4 avril 2021.
- FATTOUH-MALVAUD, Nadine, "Le scandale de la réalité", In Histoire par l'image, [en ligne], mis en ligne en septembre 2020, http://histoire-image.org/fr/etudes/scandale-realite, Consulté le 4 avril 2021.
- MERLE DU BOURG, Alexis, "La toilette d'Esther", In Histoire par l'image, [en ligne], mis en ligne en mars 2016, http://histoire-image.org/fr/etudes/toilette-esther, Consulté le 4 avril 2021.
- SUMPF, Alexandre, "Ingres et les femmes aux bains : l'hygiène exotique", In Histoire par l'image, [en ligne], mis en ligne en mars 2016, http://histoire-image.org/fr/etudes/ingres-femmes-bains-hygiene-exotique, Consulté le 4 avril 2021.