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La représentation du nu féminin à l'époque de la Renaissance :

entre dévoilement du corps et censure.

La Renaissance italienne est caractérisée par la redécouverte de l’Antiquité. On s’intéresse de nouveau aux arts de la philosophie, des mathématiques et de l’art, dans lesquels le corps a toujours eu une place importante, notamment dans la sculpture. L’étude de l’anatomie redevient donc une source d’inspiration, faisant apparaître des représentations de nus, vu maintenant comme expression, accentuation de la beauté, des émotions, contrairement à l’image qui en était faite au Moyen-Âge.

  • Pour l’homme, ce sont les proportions données par Vitruve qui sont alors utilisées pour représenter le corps parfait. Le nu devient alors une source d’expressions diverses. On recherche l’illusion du mouvement, une sincérité à travers les corps nus peints.

  • Pour la femme, le corps devient également une source d’inspiration. L’époque de la Renaissance met en lumière les courtisanes italiennes, femmes de corps et d’esprit. Celles-ci poussent les artistes à faire appel à leurs services de musiciennes, poétesses et de prostitution afin de représenter leurs corps nus.

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Ce qui permet l’apparition de ces nouvelles œuvres représentant le nu féminin, bien moins accepté encore que le nu masculin, sont les nouveaux mécènes et commanditaires curieux du début du XVème siècle. Le nouvel intérêt pour la redécouverte de l’Antique pousse certains, qui auparavant n’auraient acheté que des représentations d’art religieux, à commander des œuvres profanes, laïques. Ces nouveaux commanditaires décident de passer outre le décorum, autrement dit les règles de bienséances de représentation des sujets, ce qui développera de façon considérable de libres représentations de nus.

On peint alors des nus féminins ou semi-nus, comme la Vénus de Lorenzo di Credi, reprise de la Vénus de Botticelli, peinte entre 1493 et 1494 ; reprenant le modèle Antique de la déesse, l’Aphrodite Génitrix, posant avec un drap mouillé cachant partiellement sa nudité.

 

En effet, les modèles antiques et mythologiques ne manquant pas, les peintres réalisent sur commande des pièces de nus mettant en scène des figures comme Diane, pièces ayant souvent des dimensions érotique. Ces nus font ressortir les attributs féminins dans le but de représenter la pureté dans la gestuelle, la couleur de la peau, les positions des corps voire leur dimensions divines, dépeignant alors des visions différentes de l’idéal de la beauté féminine ; contrairement à celle masculine qui était déjà bien définie.

 

Les nus intéressent de plus en plus et des commanditaires de tout horizon comme des monarques ou des figures religieuses comme le Pape Jules II.

 

  • On notera d’ailleurs deux types de nu féminin : le nu de la femme idéale et le nu de la femme réelle.

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Parmi le type du nu féminin idéal, on note que Botticelli préfère peindre des corps idéalisés, respectant le décorum dans sa Naissance de Vénus. Cachant alors ses attributs féminins et laissant transparaître une expression faciale plutôt neutre. Le peintre gardera ces modèles de corps féminins pour ses autres œuvres, ne produisant que des nus de faible variété. Cependant, ces nus n'ont pas pour but de susciter de désir, paramètre important qui jouera un rôle considérable après le Concile de Trente.

 

Parmi le type du nu féminin réel, se trouvent des peintres qui représentent la femme en chair, la femme réelle. Parmi eux, Giorgio Barbarelli dit Giorgione, peintre vénitien où l’expression des corps en chair était plus libre. Il peint sa Vénus endormie entre 1508 et 1510, entièrement nue et dans une position plus naturelle que celle de son collègue Botticelli. Allongée, les yeux fermés et l’air paisible, sa main droite est posée sur son sexe et ne cherche pas à le cacher. C'est une dimension érotique que livre le peintre. Les courbes de cette Vénus sont généreuses et naturelles, marquant un réel contraste avec les corps fermes voire sévères de Botticelli.

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Giorgione, Vénus endormie, v.1510, huile sur toile, 108x175cm, Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister.

© Gemäldegalerie Alte Meister / Collections d'arts de l'Etat de Dresde Photographes : Hans Peter Klut / Elke Estel

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Alors que les corps nus sont de plus en plus représentés, une question se pose. C’est la journaliste et citrique d’art du journal l'Express, Annick Colonna-Césari qui nous la formule : « De la femme ou de l'homme, qui détient la beauté idéale? » A cette interrogation, c’est la professeure d’histoire de l’art et spécialiste en peinture des périodes du fin du Moyen-Âge à l’époque moderne Nadeije Laneyrie-Dagen qui y répond :

 

  •     « L'idéal de la beauté est indéniablement masculin. C'est ce que ne cessent de montrer les traités d'anatomie, qui prennent pour modèle le corps de l'homme. Aux alentours de 1400, le peintre Cennino Cennini décrit, dans le Livre de l'art, les proportions idéales du corps masculin. Puis il ajoute : « Celles de la femme, je n'en parlerai pas, car elle n'a aucune mesure parfaite. » Léonard de Vinci donne lui aussi toujours la prééminence à l'homme. L'idée de l'infériorité du corps féminin sera longue à disparaître. Le prétexte est religieux. Au début du XVIIème siècle, Rubens s'en explique dans la Théorie de la figure humaine : l'homme seul en la personne d'Adam a été créé à l'image de Dieu ; formée à partir de la côte d'Adam, Eve n'est qu'un reflet imparfait du projet divin, une sorte de sous-produit. »

On ne peut parler du nu féminin à la Renaissance sans évoquer le Concile de Trente. En effet, vers la fin du XVIème siècle, alors que le protestantisme se propage, le pape Paul III Farnèse convoque un concile qui eut pour objectif de résoudre les problèmes disciplinaires et dogmatiques dans les églises. Une des décisions prise et concernant directement l’art, est celle de l’interdiction de représenter des corps nus au public, pouvant susciter le désir, mettant les œuvres de Botticelli à l’abri.

 

Cette période marquera le début de grands actes iconoclastes et de censure, allant jusqu’à cacher les sexes dévoilés sur des œuvres existantes, comme Le Jugement dernier (1536-1541) de Michel-Ange. Cette œuvre est dévoilée quelques années avant le Concile et sera censurée par des rajouts de Daniele da Volterra, cachant les attributs sexuels des personnages.

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Il faudra attendre le XVIIème siècle et le peintre italien Annibale Carracci, pour observer de nouveaux des corps féminins nus dans de nouvelles positions. Les corps féminins sont moins frêles que toutes les autres représentations de la Renaissance, mais cette fois-ci en respectant de nouveau le décorum, en cachant les sexes des personnages.

Sources :

- COLLINS, Neil, "Nus féminins en histoire de l'art", In Gallerix, [en ligne], https://fr.gallerix.ru/pedia/genres--female-nudes-art-history/, Consulté le 30 mars 2021.

- COLONNA-CESARI, Annick, "La Renaissance : Nadeije Laneyrie-Dagen. La nudité devient source d'inspiration", In L'Express, [en ligne], mis en ligne en août 2003, https://www.lexpress.fr/culture/livre/3-la-renaissance_818928.html, Consulté le 4 avril 2021.

- Dictionnaire de la peinture, "Nu", In Larousse, [en ligne], https://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/nu/153634, Consulté le 3 avril 2021.

- Oriane, "Représentation artistique du nu - La Renaissance", In Overblog, [en ligne], mis en ligne en mars 2010, http://artetlitterature.over-blog.com/article-representation-artistique-du-nu-46468486.html, Consulté le 4 avril 2021.

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